Boins Yaare, un marché au service de l’ésotérisme

Article : Boins Yaare, un marché au service de l’ésotérisme
Crédit:
11 janvier 2011

Boins Yaare, un marché au service de l’ésotérisme

Des hangars exposant les peaux et os à la fermeture du marché

J’étais à ma première année de résidence à Ouagadougou en 2003.J’avais pour Amie, Camarade et voisine de classe Kimsé. Kimsé et moi habitions le même quartier. Nous avions l’habitude d’aller au cours ensemble. Pour cela nous traversions un marché situé en plein centre ville. Ce marché, c’est Boins Yaaré. A chaque fois que nous passions par Boins Yaaré qui est un raccourci pour nous, lorsque nous nous rendions au cours, ma curiosité me démangeait. Je me posais ainsi plein de questions au vu des os, des peaux et des bêtes desséchés qui sont vendu tout au long d’une allée de Boins Yaaré.

Boins Yaaré veut littéralement dire en langue Mooré, marché des ânes. C’était donc un lieu où on vendait des âmes qui étaient jadis le moyen de transport ici à Ouaga même partout au Faso. Aujourd’hui ce marché est un endroit où on trouverait presque tout et notamment de quoi acheter pour des pratiques ésotériques : des os, des peaux, des queux d’animaux, des caméléons secs et vivants, des serpents desséchés, des scorpions vivant, des dents et des yeux de lions…Tout à une utilité et un sens et seuls les acheteurs, les vendeurs, les guérisseurs et les marabouts le savent.

Ousmane Wanré

En longeant la clôture de l’aéroport internationale de Ouaga le mois de Novembre dernier j’ai voulu assouvir ma curiosité afin d’effacer de mon disque dur (ma tête) toutes les rumeurs au sujet de ce marché ésotérique. C’est ainsi que j’ai fait la connaissance de Ousmane Wanré vendeur de peaux et de restes d’animaux sauvages. Après un premier entretien, je l’ai rencontré une seconde fois au mois de décembre. Ousmane Wanré a 26ans, il a un hangar rempli « d’animaux utilitaires » desséchés, d’os et de peaux. Il exerce ce métier de vendeur depuis qu’il a 11ans. Au début, il aidait son père à la vente mais aujourd’hui, il a pris le relais. Il s’est volontairement prêté à quelques que je lui ai posé sur son activité.

Q : Bonjour Monsieur Wanré !

Ousmane Wanré : Bonjour !

Q- Vous êtes vendeur de peaux d’animaux séchés, de qui est composée votre clientèle ? Ousmane W- Tout le monde.

Q- Que voulez-vous dire par tout le monde ?

Ousmane W- Toutes les couches sociales : les riche, les pauvres, les jeunes, les vieux, les intellectuels.

Q- Monsieur Wanré, vous dites que vous meniez cette activité depuis plus de 14ans, est ce que vous vivez uniquement de ça ?

Ousmane W. Oui je ne vis que de ça. La preuve est que je passe toute la journée devant mon hangar.

Q : Pouvez-vous me dire à quoi sert tout ce que vous vendez ?

Ousmane Wanré : En réalité, je ne connais pas ce à quoi ça sert tout ce que je vends ici. Mais, je sais ce qu’on peut faire avec quelques animaux. Je sais par exemple que le pic bœuf entre dans la composition d’un remède contre le rhumatisme ; le caméléon séché, lorsque l’on jette sur une fourmilière, permet de déjouer les sorts qu’on vous a jetés. Par ailleurs, j’élevais des scorpions que je vendais. Vous savez, les scorpions servent à préparer le remède permettant de soulager des adultes qui pissent au lit.

Q : Il me semble que vous y connaissiez dans la préparation des remèdes, pourriez-vous me dire quelles maladies vous traitez ?

O. Wanré : Je ne vous direz pas que je m’y connais pas car à force de côtoyer des guérisseurs certains m’ont confié des secrets de préparation de remèdes. Cependant, mon âge ne me permet pas de pratiquer ce que j’ai  appris. Par ailleurs, nous avons un guérisseur ici à Boins Yaaré qui pourra vous donner plus de renseignement par rapport à ce dont vous avez besoin.

C’est ainsi, Que Ousmane Wanré m’a conduit chez Joseph Kaboré Tradi-praticien, qui en plus de la vente d’os et de peaux, propose des remèdes aux clients.

Le guerisseur Kaboré à côté de son hangar

Joseph Kaboré, la cinquantaine révolue, était un soldat. Il est à la retraite depuis quelques années. Selon lui, il veut perpétuer l’héritage de ces parents en proposant des remèdes aux malades.

Je lui ai demandé de m’expliquer l’utilisation et l’usage de quelques os qu’il vend.

« En règle générale, je dirai que  lorsqu’un client vient acheter un article donné, je sais pour quelle raison, il l’achète. Je ne vous mentirai pas la majorité, c’est pour des pratiques de  sorcellerie. C’est par exemple, les yeux de caïman, les yeux de chat noir, le papillon…

Actuellement, ce que j’ai à mon niveau c’est le remède contre la fièvre typhoïde. Ce médicament est exclusivement  fait à base de plantes. Je n’ai pas beaucoup d’éléments à vous fournir sur tout ce que je vends ici. Cependant, sachez que l’os d’âme entre dans la composition du médicament contre la douleur à la hanche, l’os de lion sert à donner des forces à un enfant.

J’avais un ami qui est venu me voir au sujet de son fils qui se faisait battre par tous les garçons de son âge. Je lui ai remis le remède fait à base d’os de lion. Quelque temps après, il est revenu me rendre des témoignages sur les biens faits de ce remède : c’était son fils qui battait tous les garçons du quartier » .

C’est sur ces quelques phrases que Monsieur Kaboré formulât des bénédictions pour moi. Je pris ainsi congé de lui. De retour chez Ousmane Ouédraogo pour lui dire au revoir, il me fit cette remarque. « Tu sais, tu as de la chance, depuis que tu t’es assise à côté de mon hangar j’ai eu plus de quatre (4) clients qui ont acheté des articles ». Comme quoi, la superstition est au rendez-vous, chaque détail compte…

Partagez